15 septembre [1841], mercredi soir, 5 h. ¾
Mais mon cher petit tyran, je ne sais pas si je pourrai vous faire votre cravatea ce soir. Voici déjà la nuit et je ne suis pas sûre de pouvoir coudre proprement dans le noir à la lumière. D’ailleurs, vous n’en avez pas besoin pour vous coucher. Ainsi c’est dit, je ne dois pas me crever les yeux pour une fantaisie d’ornement hors de propos. Apportez-moi mon pot à goulot [1] et mes plâtras, vous ferez bien mieux que de vous livrer frénétiquement à vos lubies pour la toilette [2].
Quand nous [3] ferez-vous sortir, mon amour ? Sans reproche, voilà bien longtemps que vous ne nous avez donné ce plaisir. Vous seriez bien gentil de nous le donner et de nous faire marcher une heure ou deux. Je vous préviens, mon petit homme, que si vous n’y prenez pas garde je mourrai de graisse fondue ou d’apoplexie foudroyante un de ces quatre matins [4]. Je te donnerai ma malle, scélérat, arrangée jusqu’au cadenas [5], mais aussi il faudra que vous y mettiez de la conscience pour un sou et que vous me donniez quelque chose de plus que votre petit méchant pot à goulot.
[Dessinb]
Je ne vous TAXE pas, je laisse cela à votre générosité, comme qui dirait la boîte à volets avec tous ses petits tiroirs [6]. Je compte sur votre probité et je vais préparer tout ce qu’il faut pour faire de la malle un chef-d’œuvre éblouissant. Revenez bien vite, je me meurs d’envie de vous baiser.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 223-224
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « cravatte ».
b) Dessin de la malle avec son cadenas, recouverte d’une tapisserie chargée :
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