Paris, 21 juillet [18]79, lundi matin.
Anniversaire de ta fête, mon grand bien-aimé, c’est-à-dire de mes jours bénis entre tous les autres. Entre tous les hommages et toutes les admirations et toutes les tendresses qui viendronta s’offrir à toi, plus particulièrement encore aujourd’hui que les autres jours, les miens, s’ils pouvaient être visibles à l’œil, seraient les plus sincères, les plus rayonnants et les plus dévoués. Dieu sait que j’ai le droit à cet orgueil devant Lui et devant toi. J’espère, mon doux adoré, que rien ne manquera à tes joies et à ton bonheur aujourd’hui et que tu voudras bien être heureux et ne pas attrister mon cœur et ceux de tes vrais amis par les vilaines paroles que tu nous disb chaque fois que notre adoration déborde, c’est-à-dire tous les jours. Dieu seul est dans le secret des jours qu’Il veut te donner et tu n’as pas le droit de regarder par le trou de Sa serrure les choses que tu ne peux pas, que tu ne dois pas savoir pour nous en faire une affliction anticipée. Je te supplie de regarder, au contraire, dans l’avenir, la longue route que tu as encore à parcourir, soutenu par les millions d’âmes qui t’accompagnent de leurs vœux et à la tête de laquelle je me flatte d’être malgré ma jambe boiteuse. « C’est bête comme tout ce que je te dis là » [1] mais cela m’est égal puisque je le suis en si bonne compagnie.
Cher bien-aimé, je te souris, je t’aime, je te bénis et je t’adore de toutes les forces de mon cœur et de mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 181-182
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « viendrons ».
b) « dis ».