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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1841

23 mai [1841], 10 h. ½ du matin, dimanche

Bonjour mon amour chéri, bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour, bonjour, je t’aime. Je t’aurais écrita il y a une heure et plus Mme Triger n’était pas venue m’apporter deux tasses à déjeuner et 3 petites à prendre le café en porcelaine anglaise très gentilles, du moins les trois petites tasses. Et puis je lui ai montré mon beau, mon admirable, mon sublime cadeau dont je suis de plus en plus extasiée : je lui ai montré feuille à feuille, je lui en ai lu beaucoup, elle pleurait, elle était comme une folle, et moi donc [1]. Enfin ce qu’il y a de sûr c’est que je lui donnerai Les Feuilles d’automne [2] dès que tu en auras un exemplaire de disponible. Elle est repartie enchantée de l’accueil que j’ai fait à toute sa vaisselle et surtout éblouie de mon magnifique manuscrit. Elle doit revenir dîner tantôt. J’oubliais de te dire qu’elle m’a apporté un petit rosier grand comme le doigt, couvert de boutonsb et très gentil. Je continue à n’entendre pas parler de Fifine [3]. Ia, ia monsire matame, il est son sarme, mais je voudrais bien vous baiser et vous rebaiser, cela ferait bien mon affaire. Je vous désire et je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 179-180
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « écris ».
b) « bouton ».


23 mai [1841], dimanche après-midi, 3 h. ½

Mon Toto, ma vie, ma joie, mon âme, donne tes chers petits pieds que je les baise. Jamais, jamais tu n’es plus adorablement beau et divin que dans ta douce bonté. Tu ne sais pas toi-même quel nimbe éblouissant encadre ta ravissante petite tête quand tu laissesa tomber sur moi les trésors de ton indulgence, de ta bonté ineffable et de ton amour. Tu ne sais pas, tu ne peux pas savoir comme ta nature divine apparaît à l’extérieur. Dans ces moments-là je voudrais baiser tes pieds et verser toute mon âme dessus. Mon Victor bien-aimé, laisse-moi dire comme je peux tout ce que j’ai dans le cœur de tendre, de passionné, de reconnaissant et de brûlant. Je t’aime, je voudrais mourir pour te montrer mon âme dans toute la gloire et toute la splendeur de mon amour. Mon Victor bien adoré, laisse-moi exhalerb le trop plein de mon amour. D’ailleurs je suis presque timide devant toi, je ne te montre jamais qu’un petit coin de mon âme à la fois au lieu que seule j’ose la mettre toute NUE. Je t’aime mon Toto.
Je te prie de consoler mon pauvre petit bien-aimé Toto deuxième, c’est-à-dire huitième [4], de faire mes compliments à MONSIEUR Charles Ier [5] et d’embrasser pour moi de toutes tes forces Didine et Dédé. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 181-182
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « laisse ».
b) « exaler ».

Notes

[1À l’occasion de la sainte Julie, célébrée le vendredi précédent, Hugo a offert à Juliette, dont le nom de baptême est Julienne Gauvain, une lettre et un manuscrit dont nous ignorons le contenu. Elle a probablement déposé les deux œuvres dans son livre rouge, album où elle conserve tous les petits mots du poète qui lui sont destinés.

[2Le recueil est paru en 1831. Hugo offre parfois certaines de ses œuvres à des amis de Juliette, en général pour les remercier de certains services rendus ou cadeaux reçus.

[3Pourrait-il s’agir de Laure Krafft, qu’elle surnommerait ainsi ponctuellement pour une raison inconnue ? Le mercredi précédent, Juliette a reçu une lettre d’elle mais n’a malheureusement pas mentionné ce qu’elle contenait. Néanmoins, le 26 mai, Mme Krafft viendra en personne lui rendre visite à propos d’un « service désespéré » qu’elle lui avait demandé et qui consistait, semblerait-il, à l’héberger quelque temps. Juliette, sans refuser, tentera néanmoins par tous les moyens de l’en dissuader en posant « la condition d’y vivre de [s]a vie, c’est-à-dire dans la claustration la plus parfaite » et elle y parviendra, puisque Mme Krafft abandonnera assez rapidement cette idée.

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