9 juillet [1841], vendredi matin, 11 h. ½
Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour ma joie, bonjour ma vie, je t’aime. J’espérais que tu reviendrais cette nuit pour complétera la petite fête de la soirée mais tu ne l’auras pas pu, pauvre adoré, car tu auras travaillé jusqu’à ce matin sans prendre aucun repos ! J’ai bien pensé à cela va, mon pauvre ange, et je te plaignais, et je te bénissais du fond de l’âme. Au milieu de tant d’occupations et de fatigues, tu trouves encore moyen de me donner une bonne petite soirée comme celle d’hier. Merci mon cher bien-aimé, merci mon Victor adoré.
J’étais bien triste hier matin en commençant la journée et bien exaspérée [1]. C’est que je t’aime, mon adoré : « oh ! c’est que je suis jalouse de toi moi, vois-tu ? Mais jalouse …….b je ne puis te voir parler à d’autres femmes, leur parler seulement, cela me fait mal ……..c tiens, je t’aime ! Tu es le seul homme que j’aie jamais aimé, ma vie a été triste longtemps, elle rayonne maintenant. Tu es ma lumière, ton amour c’est un soleil qui s’est levé sur moi [2] ….d Tiens je suis folle de joie quand je te parle à mon aise, m’aimes-tu ? »
Je prends tes propres paroles, mon adoré, pour exprimer ce qui se passe en moi car je crois me rappeler que j’ai posé pour l’amour, la jalousie et le dévouement de la pauvre Tisbe. Je t’aime, mon Toto bien-aimé, je t’aime. Tâche de venir bientôt, mon cher amour, j’ai des baisers plein les lèvres et de l’amour plein le cœur. Je voudrais te baiser et te caresser de toutes mes forces.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 31-32
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « completter ».
b) Sept points de suspension.
c) Huit points de suspension.
d) Quatre points de suspension.
9 juillet [1841], vendredi soir, 5 h. ¾
Où es-tu et que fais-tu, mon cher bien-aimé, que tu ne viens pas ? Je pense à toi, je te désire, je t’aime. Je voudrais baiser tes chers petits pieds. Hier à cette heure-ci j’étais bien joyeuse car je savais que je te posséderais jusqu’à minuit au moins mais aujourd’hui je ne sais même pas quand je te verrai. Aussi je ne suis geaie que du souvenir de la bonne soirée d’hier, c’est presque t’avouer que je suis triste de la solitude d’aujourd’hui. Ce n’est pas ma faute, mon doux bien-aimé, mais dès que je ne te vois plus je suis triste.
Je crois que te voici, non c’est cette stupide Suzanne, que le diable emporte pour la fausse joie qu’elle m’a donnéea. Il n’y a pas de séance académique aujourd’hui ? À moins que ce hideux Ancelot ne se fasse recevoir jeudi prochain et que tu ne sois obligé d’avaler encore son discours et celui de celui qui lui répondra ? Que le diable soit de ces hideux gredins qui se laissent tous crever à la queue leu leu et qui te forcent à entendre leur oraison funèbre [3]. Pour ma part je souhaite à leurs âmes, s’ils en ont, tous les plaisirs de l’enfer pour le mal que me font leurs affreuses carcasses. Mon Dieu, que tout ce que je t’écris est bête. Tâche de ne pas le lire mais aime-moi.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 33-34
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « donné ».