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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 janvier [1840], lundi après-midi, 1 h. ½

Je t’ai vu mon adoré, je t’aime, mon Toto, je suis impatiente [illis.]. Je t’attends. J’ai eu la visite de la bonne de Mlle Watteville, cette femme qu’elle avait amenée de Saumur. Je n’ai pas voulu la renvoyer sans la voir et alors elle m’a raconté des choses parfaitement indifférentes pour moi et que j’ai eu la patience d’écouter en mémoire de la pauvre Mlle Watteville. Enfin elle s’est en allée et je me dépêche de rattraper le temps perdu en t’écrivant tout de suite. Il fait un temps de fin du monde ; c’est à peine si je vois à t’écrire. Cependant j’ai peine à croire que ce soit aujourd’hui et sans remise le PHAME CATACLYSME. Aussi si tu peux me faire sortir tantôt je ne refuserai pas la partie afin de voir de plus près la fameuse décoration du bon Dieu au cinquième acte de la fin du monde. Je m’aperçoisa que je suis bête à manger du foin et que je ferais bien mieux de me mêler de ce qui me regarde au lieu de faire de l’ESPRIT.
Je vous aime mon Toto, je ne sors plus de là, je vous aime, je vous admire, je vous adore, je vous attends, je vous désire et je vous espère. Venez donc déjeuner avec moi. Les jours se passent et vous ne venez pas et nous devenons très vieux sans aucun profit. Pensez à ceci mon adoré et aimons-nous à mort.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 22-23
Transcription de Chantal Brière

a) « apperçois ».


6 janvier [1840], lundi soir, 5 h.

Encore une journée passée avec les autres, mon Toto, seulement moins aride et moins vide que bien d’autres puisque je t’ai vu cinq minutes ce matin. Je regrette de n’avoir pas été prête quand tu es venu puisque tu m’aurais fait sortir et qu’il a fait très beau tout aujourd’hui.
Mme Krafft vient de venir m’apporter deux bonbons dans un sac défoncé et à moitié vide, plus une horrible boîte que Claire probablement trouvera ravissante. Elle a voulu absolument emporté les manuscrits du protégé de M. Pasquier qui veut absolument lui faire avoir un secours et qui va profiter d’une grande réception chez son frère le Président [1] ce soir pour en parler je ne sais à qui. Je lui ai rendu le fameux manuscrit avec enthousiasme et elle est partie tout de suite et sans avoir pris le temps de s’asseoir parce qu’elle rentrait dîner chez elle. Voilà les nouvelles du jour qui ne sont guère intéressantes comme tu vois. Parmi elles il y en a une triste que j’avais oubliée tantôt c’est que cette pauvre Mlle Watteville est morte à l’hôpital. Elle n’a pas voulu mourir chez elle afin de ne pas ruiner tout à fait (soi-disant) M. Barthès. Enfin de quelque façon qu’on envisage sa mort c’est fort heureux pour elle car la pauvre femme ne craint plus ni la misère ni les souffrances de cette vie. Je t’aime, mon Toto. Je t’aime, mon petit homme, pense à moi et tâche de me revenir voir très tôt mon Toto. Il fait bien froid ce soir, prends garde de t’enrhumer. À propos elle ne m’a point parlé (Mme Krafft) de l’argent du manchon et moi je n’y ai pas pensé, peut-être venait-elle pour ça ? Heureusement tu es là, toi ma providence, pour faire face à tout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 24-25
Transcription de Chantal Brière

Notes

[1Étienne Denis Pasquier, président de la Chambre des Pairs.

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