Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1863 > Décembre > 17

Guernesey, 17 décembre [18]63, jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour du fond de mon cœur et sourire si tu as bien dormi. Ta fenêtre est ouverte mais je n’ai pas encore vu ce qui m’ôte un peu de mon entrain ce matin. Cependant comme j’espère que tu vas bien je tâche d’avoir de la patience jusqu’au moment où tu viendras baigner tes chers yeux adorés. Je pense avec tristesse que voilà le Shakespearea encore ajourné peut-être même pour longtemps si Lacroix [1] reste quelques jours comme c’est probable surtout s’il [illis.] ta résistance à force d’opiniâtreté. Il pourrait bien arriver aujourd’hui même. Quant à moi je suis préparée à le recevoir mon rosbeef à la main et sans réclamer aucun salaire si ce n’est celui de lui demander s’il a eu des nouvelles de la jolie petite chose en cuivre que ton bon Charles m’avait donnée à… le nom m’échappe mais le souvenir de l’aimable procédé de ton fils me restera toujours présent ainsi que l’image de son charmant cadeau et que j’ai oublié si stupidement dans ce même… Si jamais nous y retournions je voudrais savoir au juste ce qu’est devenu cet objet confié à la garde du maître de l’hôtel très peu soucieux du reste de rendre les dépôts qu’on lui confie. Mais quel bavardage, mon cher bien-aimé, et comme cela doit t’ennuyerb de le lire ! Déjà hier au soir tu paraissais fatigué de ma gaieté que j’exagèrec souvent dans le but de te distraire. Dorénavant je tâcherai d’être plus réservée pour ne pas dépasser le but que je me propose qui est de te plaire, de te servir et de t’aimer de toutes les forces de mon âme. Mais voici les servantes qui m’apportent du vin, plus des poupées [2] à choisir. Je vais aller les recevoir et prendre modestement les deux mains parées de cette petite foule de grandes dames. Mes deux petites pauvres ne pouvant pas les comparer les trouverontd toujours très splendides. Et moi, mon bien-aimé adoré, je te baise partout et ailleurs.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 285
Transcription de Gérard Pouchain

a) « Shaskespear ».
b) « ennuier ».
c) « exasgère ».
d) « trouverons ».

Notes

[1« Arrivée de MM. Lacroix et Louis Ulbach. Ils repartent après-demain lundi. Ils dîneront et déjeuneront tous les jours avec nous. » (Agenda de Victor Hugo, 19 décembre 1863.) Juliette se languit de commencer la collation de William Shakespeare, dont Hugo enverra la première partie à Lacroix le 14 janvier.

[2« Je fais faire des poupées pour les petites filles pauvres qui dînent chez moi le jeudi. Il y a en ce moment 37 enfants. « (Agenda de Victor Hugo, 10 décembre 1863.)

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne