Guernesey, 13 juin [18]63, samedi après-midi, 2 h.
Tu vois par l’heure de ma restitus qu’il m’est bien impossible de sortir avec toi aujourd’hui mon cher doux [plusieurs mots illisibles] et je le regrette plus que je n’ose te le montrer, mais tant que je n’aurai pas un autre personnel et un autre outillage que celui que j’ai maintenant, il me sera presque impossible de sortir le jour de MON DÎNER surtout pendant la saison des POIS et des fraises, ces deux comestibles exigeant d’être épluchés par des mains quasi propres. Je sens que tout ce FESSARDISME [1] est loin d’être amusant mais je crois que te voilà. Quel bonheur ! MERCI MON DIEU !
2 h. ¾
Pendant que tu flirtes avec la chère PETITE Suzarde, moi j’achève mon gribouillis consciencieusement et avec le plus affreux chicot de plume qui soit sous la CALOTTE des cieux ! J’ai beau tailler de vraies plumes tous les jours, vous me les ÉCHIGNEZ tous les soirs, ce qui constitue pour moi un amusement de Danaïde assez agaçant. Après avoir [essayé ? essuyé ?] du bec et de la queue de cet instrument de torture qu’on appelle une plume, je me résigne à me servir de sa BARBE (du côté de laquelle est la toute puissance [2], à ce que vous dites vous autres hommes) pour finir ma pauvre restitus et pour vous baiser les [plusieurs mots illisibles] pardon la tête et voilà. Tirez-vous-en comme vous pourrez.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 155
Transcription de Gérard Pouchain