Bruxelles, 25 juillet [18]67, jeudi matin, 8 h.
Je commence ma journée par le commencement, en t’aimant de toutes mes forces. Je désire que ta nuit soit le digne pendant de la mienne qui n’a été qu’un long somme depuis le moment où je me suis couchée jusqu’à présent. J’espère que, malgré le baptême du petit Georges [1], je te verrai un peu plus qu’hier. J’ai beau être patiente et résignée, je n’en suis pas moins très triste de ton absence prolongée. Aussi, mon cher bien-aimé, si tu n’es pas absolument pris toute la journée par les devoirs de l’hospitalité, je te supplie de venir un peu plus tôt qu’hier. Suzanne se fait une fête d’assister au baptême de Monsieur Georges. Son catholicisme et sa curiosité, triplés de son amour pour toi, trouveront leur compte dans cette cérémonie de convention. Moi, comme toujours, je vous bénis à distance. À propos, si tu n’assistes pasa au baptême, comme tu en as manifesté l’intention hier, peut-être pourrions-nous mettre ce temps-là à profit pour faire une petite promenade au bois de la Cambre. Je me tiendrai prête dans tous les cas, comme je tiens prêt ton habit et ton pantalon officiels. Est-ce que tu n’as pas déjà songé à mon jour à moi, mon grand adoré ? Moi j’y pense sans cesse et je commence même à trouver le temps bien long. C’est qu’on ne s’habitue pas impunément au bonheur à jet continu. Le jour où il vous manque, tout vous manque et voilà précisément ce qui m’arrive maintenant que je te vois à peine.
BnF, Mss, NAF 16388, f. 197
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « si tu n’assiste pas ».