Guernesey, 25 novembre 1862, mardi, 8 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, amour et joie si tu as bien dormi et si tu te portes bien et si tu m’aimes comme je l’espère. Tu feras bien de rester au lit le plus tard que tu pourras pour suppléer à ton feu absent car il fait un froid de loup. Le packet [1] vient d’arriver et, quoique la mer soit pleine, il est resté en rade, probablement pour jouir du coup d’œil de toutes les pauvres petites barques métamorphosées en escarpolettes que les vagues se renvoient l’une l’autre avec une véritable furie. Pauvres voyageurs, je ne vous envie pas en ce moment, à moins que vous ne soyez sûrs de trouver ceux que vous aimez en abordant au port. Quant à moi qui ne crains rien pour celui que j’adore et qui ne voisa que votre ballotage hideux, je vous plains, pauvres bousculés !
Cher bien-aimé, je tourne ma pensée du côté de mon bonheur qui est toi et j’espère que rien ne nous empêchera d’être très heureux ce soir à mon petit festival. En attendant, je t’aime à cœur joie.
J.
BNF, Mss, NAF 16383, f. 250
Transcription de Camille Guicheteau assistée de Guy Rosa
a) « voit ».