1er novembre 1861

Guernesey, 1^er novembre 1861 [1], vendredi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher adoré, bien aimé, bonjour, des yeux, de l’âme et du cœur, bonjour. À l’aide de ma lorgnette je t’ai vu dans ta belle robe de chambre qui te va très bien et qui paraît bien chaude, mais, hélas ! il m’a semblé que tu frictionnais les mains avec la brosse en crin comme un homme en proie à des douleurs d’articulations à la manière dont tu te houspillais. J’espère que tu n’auras pas tardé à faire déguerpir cette vilaine compagnie qui me visite trop souvent. Du reste c’est le temps où elle se montre trop souvent cette méchante bête qu’on appelle rhumatisme. Mais cela ne m’a pas empêché de dormir toute la nuit à ce point que je ne pouvais plus me réveiller ce matin. Tu vois qu’il n’y a que patience à avoir pour rattraper tôt ou tard les nuits d’insomnie. Maintenant que j’ai [illis.] le sommeil j’espère le continuer indéfiniment. J’espère encore que vous ne me grognerez pas de la longueur de ma restitus aujourd’hui, rabibochage fait à mon cœur qui n’avait pas pu se satisfaire hier, le moindre dérangement dans ma vie si remplie fait que je suis toute désorientée et que je manque aux choses les plus essentielles de mon bonheur. Heureusement que cela n’arrive pas souvent, ni les lectures Bénézit non plus [2] ? Cher adoré, soit béni, je t’aime. Je voudrais passer mes heures et mes jours à te le dire avec tous les organes de la pensée, du cœur, de l’âme, de la bouche, de la plume, des yeux et de tout.

Transcription de Florence Naugrette
BnF, Mss, NAF 16382, f. 140