Guernesey, 5 mars 1862, mercredi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, vous qui ne daignez pas tourner les yeux de mon côté pendant que vous étalez votre literie et que vous vous bichonnez devant votre miroir la porte-fenêtre ouverte. Bonjour, vilain sourd, qui ne voulez pas entendre quand je vous appelle en claquant mes mains jusqu’à m’en faire mal, bonjour, bonjour, et rebonjour, je vous pardonne si vous avez aussi bien dormi que moi et si vous vous portez aussi gaillardement que moi-même encore. À propos, je vous ai trouvé assez ingrat pour ce pauvre anniversaire NOMINAL [1]. Une autre fois, je ne me mettrai plus en train et je ne ferai aucun frais pour lui puisque vous le traitez avec cette désinvolture. Cela ne vous a pas empêché d’être très bon, très Geai et très charmant comme toujours, mais la pointe de la reconnaissance envers ce pauvre MARDI-GRAS n’était pas assez sortie. Du reste, il est probable que je pousse trop loin le culte du souvenir et que je ne suis qu’une vieille ridicule.
Bnf, Mss, NAF 16383, f. 57
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette