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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 mars 1839

29 mars [1839], vendredi, midi ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon petit homme. Je vous fais compliment de votre exactitude, et je vous demande mille fois pardon de l’injure que je vous ai faite cette nuit en cherchant à vous retenir SOUS PRETEXTE que vous ne REVIENDRIEZ PAS. Une autre foisa, je vous laisserai aller sans vous retenir, sûre que je serai que vous ne voulez pas vous moquerb de moi. Ainsi soit-il. Voime voime. Comment vas-tu ce matin, mon cher petit homme ? Comment vont tes chers petits boyaux ? Si vous n’aviez pas été bête comme un ours, vous seriez venu cette nuit vous faire soigner par moi mais vous seriez bien fâché de me donner ce bonheur, vous aimezc mieux vous tortiller dans votre coin comme un rat empoisonné que de venir vous faire dorloterd et aimer par une pauvre femme qui vous adore. TAISEZ-VOUS ! Et si vous ne me négociez pas mon affaire avec Mlle Dédé vous aurez affaire à moi. Et ce ne sera pas très drôle. N’oubliez pas que c’est demain que vient le MANIÈRE et qu’il faut que vous soyez là pour lui bien expliquer la chosee. Je suis fâchée que cela vous force à venir chez moi une fois de plus que vous n’auriez voulu, ce n’est pas ma faute et je vous prie de ne pas m’en vouloir et de me laisser me fiche de vous à mon aise car vous le méritez que de reste. [Ah ti’un ! ah ti’un !  ?] Donnez votre vec et baisez-moi de tout mon cœur. Soyez bon, soyez i et surtout ne soyez plus si RARE. Je souffre toujours, moi. J’ai bien du bobo dans mes pauvres reins, c’est bien triste et bien malheureux surtout si je n’en meursf pas. Enfin Dieu est grand et je vous aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 317-318
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « autrefois ».
b) « moquez ».
c) « aimer ».
d) « dorlotter ».
e) « choses ».
f) « meure ».


29 mars [1839], vendredi soir, 8 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, je pense à toi. Je t’aime. Je t’adore. J’ai sur l’âme ton dernier regard, j’ai sur les lèvres ton dernier baiser. Je suis dans la joie parce que je vais accabler mes deux petites filles de mes BIENFAITS. QUEL BONHEUR !!!!!!!!!a Et puis si j’ai mon amulette je serai à la joie de mon cœur car j’y attache une superstition d’AMOUR. Oui, mon Toto, je me figure que la Notre-Dame DEL PILAR [1] doit nous porter bonheur et c’est ce qui manque à notre amour depuis longtemps. Du moins celui sans lequel les autres ne sont que des LUNES non éclairées.
J’espérais, mon Toto, qu’ayant vu PLUSIEURS HOMMES tantôt en face de la maison vous monteriez faire votre garde et je me réjouissais dans mon cœur du heureux hasard qui me procurerait le bonheur de vous voir une fois de plus dans la soirée, mais hélas j’avais compté sans mon autre [2] et pour la première fois de ma vie je trouve votre confiance très déplacée. Jour mon petit o. Jour mon gros To. Nous irons acheter quelque chose à RUY BLAS, voime voime, mais ce n’est pas pour de rire. Je baise tes petits pieds, je les mets dans ma poitrine pour les réchauffer. Aimez-moi, pensez à moi et ne me laissez pas vous désirer jusqu’à minuit.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 319-320
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) Les 9 points d’exclamation courent jusqu’à la fin de la ligne.

Notes

[1Dans Hernani, à l’acte III, scène 3, Hernani déguisé en pèlerin dit a Don Ruy Gomez qu’il se rend à Saragosse pour honorer Notre Dame Del Pilar.

[2Compter sans son hôte : ne pas tenir compte des circonstances extérieures.

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