Guernesey, 12 décembre 1858, dimanche matin, 9 h.
Bonjour, mon doux adoré, bonjour mon cher petit galant, bonjour avec toutes les joies et tous les bonheurs que vous m’avez donnés depuis deux jours, bonjour, je vous aime par-dessus mon âme.
Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Tu n’as pas dû te coucher de très bonne heure hier à cause de ton CIDRE et de ton anglais ? Mais, si tu as bien dormi le reste de la nuit, tout est réparé et je suis heureuse. En attendant, je viens de mettre un peu d’ordre dans NOS papiers autant du moins qu’on en peut mettre dans l’encombrement, quand on n’a ni un meuble, ni un tiroir, ni un pupitre, ni un buvard quelconque pour serrer une demi-feuillea de papier. Jamais ouvriers en gribouillis n’ont été plus mal outillés que vous et que moi sur cette terre d’ÉPREUVES. Je me suis aperçue de la présence d’un Roland [1] qui ne m’appartient pas. Aussi, je l’ai mis à part jusqu’à ce que vous vouliez bien me le confier. Cher bien-aimé, je ris avec toi parce que je t’aime, parce que je crois que tu vas bien, parce que je suis bien heureuse et que j’espère te voir bientôt. Je t’adore.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 348
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « demie feuille ».