6 décembre 1858

Guernesey, 6 décembre 1858, lundi matin, 9 h. ½

Bonjour, mon bon petit homme, bonjour. Je voudrais être à la place de ce charmant petit soleil qui entre familièrement dans votre lucoot en ce moment et qui se permet de vous caresser sans autre formalité. Quant à moi, je vous aime dans l’ombre [1] et à distance, mais je vous aime tant que mon âme en est rayonnante de bonheur et mon cœur aussi. Aujourd’hui, je vais prendre connaissance de vos divins manuscrits [2]. J’aurais déjà commencé dès hier mais je ne veux pas être dérangée dans mon admiration. C’est pour cela que j’ai attendu jusqu’à aujourd’hui. J’espère qu’il me restera encore assez de temps pour copire après la lecture. Pour cela, je me dépêche de faire mes affaires autant que ma patraquerie me le permet. Je me lève maintenant si tard que j’ai à peine le temps de monter et de descendre 947 fois mes deux étages, c’est chagrinant. Baisez-moi, vous, mon lord, mon archiduc, mon roi, mon poète, mon Dieu, mon tout.

Bnf, Mss, NAF 16 379, f. 339
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette