Guernesey, 10 novembre 1858, mercredi, 5 h. du soir
Je me hâte de me dédommager des deux vilaines lettres que je t’ai écritesa à mon cœur défendant, mon cher bien-aimé, mais poussée que j’étais par un irrésistible sentiment de juste susceptibilité, maintenant que j’ai donné satisfaction à ma dignité blessée, je reviens à tire d’âme à mon amour qui est ma joie, mon bonheur et ma vie. J’aurais préféré notre petit ordinaire intime ce soir au festival Préveraud mais cela ne m’empêchera pourtant pas, je l’espère, car j’y suis décidée d’avance, à être très heureuse avec toi ce soir. Du reste mon cher petit homme, je crois que tu as bien fait de ne pas aller à la campagne ce matin car je crois qu’il n’y a pas encore fait aussi froid de l’année. Cela pince vraiment très dur, sans compter le vent qui fait rage comme si le diable le poussait. Décidément je suis très contente d’aller en voiture ce soir, ce sera autant de rhumes et de douleurs épargnés, et j’aime autant cela ne vous en déplaise, mon cher petit Ventoux [1].
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 318
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « écrit ».