1er septembre 1858

Guernesey, 1^er septembre 1858, mercredi, 7 h. du m[atin]

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’aime. J’espère que ta petite vaillantise d’hier au soir ne t’a pas fait de mal et que tu as passé une bonne nuit ? Hélas ! Nous inaugurons aujourd’hui l’affreuse série des -bres ; il est vrai que j’ai pour ma part aujourd’hui même, le doux correctif du mercredi et l’immense bonheur de te savoir guéri. Voilà de quoi oublier bien des ventôses, pluviôses et nivôses et de quoi encore faire attendre patiemment le retour des prairials, germinals et floréals du calendrier républicain, le nôtre. Il est probable que je mets force charrues devant tous ces bœufs zodiaquiens [1], mais telle est ma faiblesse que je n’en rougis pas et que cela ne m’empêche pas de semer mon amour au hasard dans le champ d’absurdité que ma pensée cultive avec succès. Merci, mon adoré, de ta petite visite hier au soir. Merci, surtout si cela n’a pas fait de mal à ta chère petite jambe. Joie et bonheur aujourd’hui si tu vas de mieux en mieux et si tu m’aimes de pire en pire. En attendant, je baise tes quatre petites pattes.

Bnf, Mss, NAF 16379, f. 249
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette