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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 avril [1849], lundi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour. Que tout mon amour se change en bénédictions et en bonheur pour toi et pour tous les tiens. Il est probable que j’irai tantôt à Saint-Mandé [1] si le temps ne s’y oppose pas. J’aurais voulu te voir avant d’y aller et être sûre de te voir après être revenue. Cette pensée m’aurait accompagnée dans ce triste pèlerinage et me l’aurait fait trouver moins lugubre et moins douloureux. Mais si cela ne se peut pas absolument je me résigne et je cherche mon courage dans un redoublement de tendresse et d’amour. Pense à moi, mon doux bien-aimé, et dis-toi bien que tu es ma vie. Le jour où tu ne m’aimeras plus je mourrai. Je te le dis sans amertume et sans violence comme je le sens et comme cela est. Ma vie n’est pas faite seulement de lumière, d’air et de soleil, elle est faite surtout de ton amour et pour ton amour. Le jour où il me manquera tout sera dit pour moi en ce monde. Mon Victor béni, mon amour, je t’aime quand je suis triste pour me consoler, je t’aime quand je veux être heureuse, je t’aime à toute occasion et toujours davantage. Tous les prétextes me sont bons et quand je n’en n’ai pas je t’aime pour t’aimer. À tantôt je l’espère. Mais si je ne dois pas te voir avant ce soir, plains-moi et pense à moi qui ne sais pas vivre loin de toi. Je te baise de toutes les sortes de baisers depuis le plus tendre jusqu’au plus passionnel.

Juliette

MVHP, Ms, a8176
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine


2 avril [1849], lundi après-midi, 2 h. ¾

Me voici de retour, mon doux adoré bien-aimé, attendant M. le curé qui doit me faire une petite visite tout à l’heure. Voilà ce qui est arrivé : comme je montais son escalier il en descendait pour se rendre à Paris auprès d’une jeune fille malade barrière Ménilmontant. Il paraît qu’il avait projeté de venir me voir aujourd’hui et après s’être informé si je rentrais chez moi il m’a dit qu’il désirait ne pas renoncer à son projet et qu’il viendrait me voir en sortant de chez sa malade. Puis il a voulu que je profitasse de la voiture qui devait l’y conduire et qui l’a descendu vers le milieu de la rue. Voilà, mon cher bien-aimé, comment il se fait que j’attends M. le curé et comment je suis revenue en voiture jusqu’à ma porte. Cela ne m’a pas fait de mal car je suis assez mal à mon aise. Mais pourtant ce n’est rien, un petit dérangement de corps, voilà tout. Mais que je t’aime, mon adoré, tous les jours davantage. Il semble que toute la sève de mon cœur se change en adoration. Je n’ai pas une seule partie de moi-même qui ne soit tout amour. Il est plus probable que tu es déjà à l’Assemblée ? Et que je ne te verrai pas avant ce soir et bien tard surtout si tu parles. Pense à moi, mon Toto, je le sentirai malgré la distance et je serai moins triste et moins malheureuse de ton absence. En attendant ce soir je t’aime, je m’occupe de toi, je te désire et je te regrette. Et puis et puis et puis tu es mon amour adoré.

Juliette

MVHP, Ms, a8177
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

Notes

[1Claire Pradier, fille de Juliette Drouet, y est enterrée.

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