13 octobre [1848], vendredi soir, 9 h.
Ne t’occupe pas de moi, mon adoré, sois tout entier à l’affairea sérieuse et triste qui t’occupe et tâche d’en empêcher les douloureuses conséquences [1]. De mon côté j’offre en sacrifice à Dieu tout ce que j’ai de plus doux, de plus précieux et de plus cher ; le bonheur de te voir, tout le temps nécessaire pour empêcher ces misérables guet-apensb. J’espère que demain tout sera fini et que tu n’auras plus à craindre le résultat si hasardeux d’un duel.
Jusque-là, mon pauvre père éprouvé et béni, ne te tourmente pas. Il est impossible qu’il arrive rien à ton Charlot. Je le sens au redoublement de tendresse et d’adoration que j’ai pour toi. Je le sens à [la] confiance illimitée que j’ai dans la bonté de Dieu. Je t’assure qu’il est impossible que ton fils Charles se batte et s’il est forcé de se battre qu’il soit blessé. Le bon Dieu est juste et il ne voudrait pas donner gain de cause à la mauvaise foi, à la violence et à la haine du National sur le courage, la loyauté et le dévouement de ton fils. Je ne sais pas pourquoi il me semble que je suis parfaitement sûre qu’il n’arrivera rien de malheureux. En attendant, pauvre père adoré, tu souffres et tu es inquiet et je ne peux rien pour te rassurer que prier le bon Dieu ce que je fais de toutes mes forces… et mes lèvres sur tes pieds.
Juliette
MVH, 8126
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « afaire ».
b) « guet-à-pens ».