20 mai [1848], samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit homme, bonjour. Quand je pense que tu me forces à dormir comme une bûche je suis furieuse contre toi. Le moyen en effet est irrésistible ; vous voir lire des journaux à onze heures du soir sans desserrer les dents une seule fois c’est on ne peut pas plus soporifique et je ne connais personne qui résisterait à cette épreuve réitérée. Cependant si vous aviez le sens commun vous sauriez que nous avons quelque chose de mieux à faire que de lire et de roupiller sur un tas d’affreux journaux pleins de toutes sortes de [illis.], de République et autres gâchis politiques et sociaux. À force de vous barbouiller le nez dans toutes ces mauvaises choses vous finirez par sentir le Blanqui et aux autres [sobriers ?] aussi peu inodores les uns que les autres. Quant à moi je proteste autant qu’une FAIBLE FEMME peut le faire et je dépose ma pétition sur votre bureau de président…… de la société des auteurs dramatiques [1]. J’attends avec… peu de confiance que vous y fassiez droit et je continue de protester… sans armes contre la violation de ma chambre. Salut et pas de fraternité.
Juliette
MVH, 8092
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
20 mai [1848], samedi après-midi, 1 h. ½
Quel temps, mon petit homme, quel affreux temps. J’en suis toute déconfiturée cependant j’ai lu le sublime Père Duchesne [2]. Jamais rien de plus farce, de plus tragédie, de plus féroce, de plus [David ?] de la Comédie-Française, de plus Robert-Macaire [3] et de plus sérieusement bouffon n’avait réjouia mes yeux depuis la première proclamation de la République. Les poses plastiques, sans garantie du gouvernement, et la spécialité de Madame le Prince y compris les [lions ?] invendeurs des macarons n’approchent de ce magnifique chef-d’œuvre politique, national, trivial, bestial et pluvial. Cet homme ce père Duchêne enfin est bien bon de ne vendre toutes ces magnifiques choses qu’un sou le tas. À sa place je les vendrais un million la pièce et je suis sûre qu’il y aurait encore queue ROUGE à la porte pour en avoir. Maintenant je vous avertis que je n’ai pas remis ma fête à l’instar du gouvernement, qu’elle a lieu plus que jamais demain dimanche 21 [4] et que vous êtes autorisé à en faire partie. Il y aura joute sur l’eau et autres éléments, feu partout. Verres et proses de couleurs et des lam-pions, flammes du Bengale et de Juju à mort.
MVH, 8093
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « réjouit ».