29 avril [1848], samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon bien-aimé, bonjour. Il paraît que tu as eu bien des visiteurs hier puisque tu n’es pas venu seulement me donner le bonsoir. Je me suis couchée à onze [heures] assez piteusement. J’ai très peu et très mal dormi. C’est toujours comme cela quand je ne t’ai pas vu.
Il paraît que pendant que j’allais chez M. Vilain il venait chez moi. Cela ne l’a pas empêché de revenir le soir pour s’excuser, disait-il, mais en réalité pour me prier d’aller voir cette exposition aujourd’hui de 2 à 4 h. Je lui ai promis d’y aller dans le cas où je te verrais assez à temps pour te prévenir. Du reste, d’après la circulaire que j’ai trouvée dans tes papiers et qu’on lui a remise aussi à lui il y a deux jours, il aurait peu de chance d’arriver puisqu’ila faudrait que la figure fût assise et qu’elle eût le bonnet phrygien [1]. Sans parler des autres causes d’empêchement en dehors du programme mais il paraît tenir à cette visite et je la ferais volontiers avec lui si tu étais prévenu. Sinon je reste chez moi. En attendant je t’attends et je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 145-146
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « puisque il ».
29 avril [1848], samedi, midi ¾
Je suis toute triste, mon amour, tant que je ne t’aurai pas vu je serai comme un corps sans âme. Avec toute cette vilaine politique tu t’habituesa à vivre loin de moi et sans moi tandis que moi je tiens plus à toi que jamais et que ma vie est plus que jamais inhérente et adhérente à la tienne. Aussi tu dois juger tout ce que je souffre pendant ces longues journées d’attente dans lesquellesb je t’entrevois un instant. Je suis triste, triste et je voudrais mourir tout d’un coup.
Cher adoré, pardonne-moi ce découragement, il ne dépend pas de moi. Si je t’aimais moins, ton absence ne me serait pas aussi insupportable. Tâche de venir et de rester un peu de temps avec moi et je reprendrai courage. D’ici là il faut me laisser divaguer un peu et me plaindre à tort et à travers des événements, des hommes et des choses de la République, des Montagnards et des élections. Heureusement que tout doit être fini maintenant et que tu n’en es pas [2]. Quel bonheur !!!
Juliette
BnF, Mss, NAF 16366, f. 147-148
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
a) « tu t’habitue ».
b) « lesquels ».