Paris, 16 déc[embre] [18]78, lundi matin, 8 h. ½
J’étais entrée tout à l’heure à pas de loup dans ta chambre pour t’embrasser, si tu étais réveillé, et pour te bénir dans tous les cas. Je n’ai fait que la moitié de ce programme n’osant pas, ne voulant pas troubler ton sommeil qui paraissait profond à ce moment-là et je m’en suis allée discrètement comme j’étais venue. Depuis, mon grand petit homme, je me suis permis de donner, d’office, un rendez-vous en ton nom ce soir à neuf heures à une jeune et jolie étrangère titrée qui était venue avant-hier pendant notre absence et qui t’a écrit hier une lettre très pressante pour obtenir de toi l’honneur et le bonheur de te présenter des hommages enthousiastes. Comme elle doit partir demain j’ai cru devoir prendre sur moi de lui accorder cette faveur en ton nom. Donc prépare-toi à recevoir ce choc vaillamment ce soir. En attendant je me fais une joie de déjeuner avec Petite Jeanne ce matin et peut-être de faire avec toi et elle une petite promenade au soleil, car il fait du soleil ce qui, vu la saison, est très réjouissant à l’œil. Cher bien-aimé, j’ai le cœur plein de tendresses ineffables pour toi qui n’osent pas se montrer tant le malheur de ces derniers temps [1] les a rendues timides.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 209
Transcription de Chantal Brière