Paris, 12 déc[embre] [18]78, jeudi matin, 8 h.
Bonjour et joie sur toute la ligne si tu as, comme je l’espère, passé une bonne nuit. À peine levée je pense à notre excursion sénatoriale qui te forcera à être prêta à partir de chez toi au plus tard à une heure de l’après-midi. Je t’en fais souvenir dès à présent pour que tu ne sois pas pris de court comme presque toujours. Le temps, quoique couvert, n’est pas trop froid ni trop triste. Quant à moi j’ai ce matin, encore plus qu’à l’ordinaire, une sorte d’engourdissement du cerveau qui m’empêche de mettre un mot devant l’autre. Je regarde sans voir, j’entends sans écouter ce qui se passe au-dehors et au-dedans de moi. Je suis [inerte ?] et abrutie. On dirait que mon cœur et que mon âme dorment ou s’en sont allés pour ne plus revenir. Je me sens comme morte sans savoir comment ni pourquoi. J’ai beau me poser des points d’interrogations, rien ne répond. Je suis moins que bête, je ne suis pas. C’est dans cette disposition de corps et d’esprit que je laisse vaquer au hasard mes vieilles pattes de mouches avec la certitude qu’elles iront d’elles-mêmes vers toi.
BnF, Mss, NAF, 16399, f. 205
Transcription de Chantal Brière
a) près ».