19 décembre 1847

19 décembre [1847], dimanche matin, 8 h. ¾

Bonjour, mon Toto, bonjour. Je vous attends avec tous mes feux allumés. Je me suis levée de bonne heure pour pouvoir vous apprêter toutes ces choses. Si vous n’en profitez pas vous serez une bête^a et ce ne sera pas de ma faute. Vous m’avez un peu fait la grimace hier mais je ne vous en veux pas à cause de votre hideux état. Autrement je serais en droit de me fâcher et de vous demander ce que cela veut dire. Mon pauvre lion hérissé je ne t’en veux pas le moins du monde seulement quand je te vois comme cela je crains que tu ne sois trop fatigué et je m’en inquiète. Maintenant si vous n’êtes pas souffrant et si vous m’aimez vous pouvez me bousculer tant que vous voudrez, je ne me plaindrai pas. Si vous ne vous dépêchez pas d’avoir du mauvais papier j’userai tout le beau, ce qui serait dommage. Je vous en préviens pour que vous preniez vos précautions. Mon Victor je vous aime. Je n’ai pas beaucoup d’occasions de vous le dire en personne. C’est pour cela que je me rattrape^b dans mes gribouillis et que je ne vous dis guère autre chose. Cependant j’ajouterai dans celui-ci que : vous m’avez déjà manqué de parole^c trois jours et que je n’irai pas plus loin. Je connais l’histoire de MES QUARANTE HUIT SOUS D’ANCIEN et je ne veux pas la recommencer avec vos feuilles qui ne sont plus que des pages et qui finiront par n’être plus rien du tout. Chat échaudé craint l’eau chaude et moi je crains votre PROBITÉ. Cela ne m’empêche pas de vous adorer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 288-289
Transcription de Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « bêtte ».
b) « rattrappe ».
c) « paroles ».