22 août [1841], dimanche après-midi, 4 h.
Ho ! cette fois je suis bien sûre que vous avez pris la clef des champs [1], vilain monstre, et que vous m’en donnerez joliment à garder en faisant mine de vouloir venir souper ce soir chez moi. Tâchez au moins de revenir pour le déjeuner demain et je vous pardonne tous vos trines, même la pâte d’amande. C’est un peu généreux j’espère, mais pour avoir votre joli petit groin à contempler il n’est rien dont on ne soit capable. Jour mon Toto, nous autres [illis.], nous allons sur l’eau, ia ia, mon cher petit [dessina]. Je vais tâcher de copier aujourd’hui, cependant je ne te promets pas d’en faire beaucoup à moins que mes péronnelles ne viennent pas [2], mais dans tous les cas je m’y mettrai ce soir dare-darea.
Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas de ce tas de lettres sur ma table ou que je les jetterais par la fenêtre. Si tu ne les emportesb pas au plus tard demain, je les livrerai à l’intempérie des saisons et à la discrétion des chiffonniers, je t’en préviens et je te tiendrai parole. Je n’ai pas besoin moi de faire un tas de frais de papier, d’encre, de cuirs, de solécismes et de barbarismes pour les voir se moisir et se rancir sur ma propre table. JE NE SUIS PAS TON DOMESTIQUE, TU SAURAS ÇA [3].
On ne donne pas Ruy Blas ce soir je crois ? Dans ce cas on peut se réjouir du beau temps en faisant des vœux ardents pour qu’il pleuve et qu’il neige demain jusqu’à quatre heures [4]. Baise-moi, mon amour. Je suis atroce, j’ai des boutons plein la figure et je suis ignoble. OH ! C’TE TÊTE [5] ! heureusement que je serai vengée l’année prochaine quand ce sera à votre tour à être hideux. En attendant je dissimule comme un personnage de mélodrame.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 165-166
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) Dessin :
- © Bibliothèque Nationale de France
b) « dar dar ».
c) « emporte ».