Guernesey, 11 juin 1856, mercredi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour avec toutes les joies que comporte l’espérance de passer une bonne soirée ce soir avec toi. Cette pensée m’a fait toute guillerette ce matin et il me semble que toute mon âme fleurit comme si elle était déjà sous les rayons de ce bonheur-là. Bonjour, qu’on vous dit, tâchez donc d’aller voir la propriétaire [1] et d’essayer le pouvoir de VOS CHARMES sur son lukout. Je ne parle pas de son cœur qui me paraît démantelé depuis longtemps et par conséquent sans résistance. Il n’en esta pas de même de la sauvagerie du bonhomme son fils et je crains que vous n’en ayezb pas bon marché malgré votre talent oratoire. Cependant il est important de tirer cette affaire au clairc afin de savoir à quoi s’en tenir et chercher sérieusement ailleurs puisqu’il m’est impossible de demeurer avec mes meubles ici [2]. C’est pourquoi, mon cher petit homme, je te prie de prendre sur ton travail ou dans ton tonneau une petite goutte de temps pour t’assurer jusqu’à quel point on peut compter sur l’une ou sur l’autre des combinaisons, de lukout ou de la petite maison. En attendant je mange mon plaisir de ce soir en herbe ce matin. Pense à moi et viens me voir une petite minute avant ton déjeuner. Je t’embrasserai bien pour la peine et puis cela vous donnera bon appétit avec la conscience d’une bonne action. À tout à l’heure, mon cher petit homme, et à ce soir encore plus, je vous aime par-dessus les toits.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 168
Transcription de Chantal Brière
a) « n’est ».
b) « n’ayez ».
c) « au claire ».