19 juin [1847], samedi matin, 7 h. ½
Bonjour toi que j’aime, bonjour vous que j’adore, comment que ça va ce matin. Moi je vais trop bien et je vous aime encore mieux. Je suis en admiration devant mes deux petits tableaux et je les trouve de plus en plus charmants parce qu’ils me semblent voir à travers la gracieuse bonne grâce avec laquelle tu me les as donnés [1]. La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne. Ceci est vrai pour les plus belles choses, et personne ne sait mieux donner que toi. Aussi je fais mieux que te remercier, je t’aime avec un redoublement de tendresse et de passion.
J’irai te chercher tantôt, mon doux bien-aimé, et je m’en fais une joie d’avance. J’ai bien regretté hier de n’avoir pas pu faire le marché des quatre saisons. Peut-être le regretteras-tu moins toi en regardant souvent les portraits fac-similés que je t’en ai faits. Cela me console un peu de n’avoir pas pu réussir à te faire avoir les originaux. Je ne sais pas encore si on laissera le paravent à 45 F. Dans tous les cas tu l’auras à 50 F. et je te l’enverrai à 10 h. Je vais écrire tout de suite à Dabat. Tu ne m’as pas dit si je devais lui commander quelque chose. Pourvu que je n’oublie pas de te le demander tantôt, dans le cas où tu serais pressé de faire faire ta commission. En attendant, je te baise de toutes mes forces.
Juliette
MVH, α 7926
Transcription de Nicole Savy
19 juin [1847], samedi matin, 11 h. ¾
Je t’ai envoyé ton paravent, mon cher petit homme, et je l’ai eu pour 45 F. J’espère que tu ne regretteras pas cet achat et que tu en trouveras l’emploi dans l’arrangement de ta chambre.
Cher adoré, bien-aimé, as-tu songé à répondre à M. le curé de Saint-Mandé ? Dans le cas trop présumable où tu l’aurais oublié, je viens te rappeler de le faire tout de suite car le temps qui te reste d’ici à lundi est bien court [2].
Mon Victor je t’aime, mon Victor je t’admire, mon Victor je t’adore. Cesa trois choses font le commencement, le milieu et la fin de mon amour. J’attends que tu viennes avec une tendre impatience. Il me semble que les minutes et les heures ont des ailes de plomb et qu’elles n’arriveront jamais à ce but si désiré : le moment où je te verrai. Quel que soitb le temps qu’il fait tantôt, j’irai te chercher à la Chambre. Je n’ai vraiment que ce moment-là pour te voir et pour t’entendre et je n’y renoncerais pas pour tout au monde. En attendant je pense à toi et à ma pauvre enfant. Ma pensée va de mon cœur au ciel et je t’aime et je prie.
Juliette
MVH, α 7927
Transcription de Nicole Savy
a) « c’est ».
b) « quelque soit ».