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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 juin 1847

18 juin [1847], vendredi matin

Bonjour et merci mon doux et ravissant bien-aimé. Je suis encore sous l’impression de ta gracieuse et charmante générosité d’hier. Il me semble qu’elle m’a rajeunie de 15 ans. Hélas, que cette aimable illusion n’est-elle une réalité ! Vous en verriez de drôles et de cruelles sous prétexte de reconnaissance. En attendant, votre ravissante petite peinture rayonne sur mon papier taché de graisse et maculé de toutes sortes de choses hideuses, comme un joyau dans l’auge d’un pourceau. C’est beau et charmant, mais c’est très sale et très dégoûtant. La première fois que vous serez un peu riche, il faudra faire disparaître cette antithèse choquante et révoltante au dernier point en couvrant mon mur d’une tenture plus propre, quelle qu’ellea soit. Même en papier, pourvu que ce ne soit plus sale, c’est tout ce qu’il me faut.
Je n’ai pas eu la patience d’attendre le jour de ta fête pour te donner ces quatre petites boîtes qui te faisaient envie. C’est que j’avais plus de plaisir encore à te les donner que toi à les recevoir. Maintenant je suis ruinée et je n’ai plus rien à te donner pour ce charmant saint Victor que mon amour canonise une seconde fois. D’ici là peut-être trouverai-je quelque bonne Mme Triger pour [me] remettre à flot. En attendant je ne peux que vous aimer à plein cœur et vous baiser à pleine bouche. C’est ce que je fais avec une constance qui m’honore et me comble de joie.

Juliette

MVH, α 7924
Transcription de Nicole Savy

a) « quelqu’elle ».


18 juin [1847], vendredi après-midi, 2 h.

Très certainement, mon cher petit bien-aimé, j’irai te chercher tantôt à moins d’un temps impossible, et encore je crois que cela ne pourrait pas m’arrêter tant j’ai besoin de te voir. D’ailleurs il faut que je m’acquitte de ma commission le plus tôt possible. J’ai à cœur de justifier votre confiance et de gagner votre argent. Je serais doublement contente si je réussissais, puisque vous désirez ces quatre bonshommes et que j’ai besoin de beaucoup d’argent dont je ne rendrai compte à personne. Tantôt quand nous reviendrons à la maison, vous trouverez les feuilles de paravent chez moi qui vous attendent.
Savez-vous que vous n’étiez pas très beau tout à l’heure avec votre grande barbe ? Je trouve que vous me traitez un peu trop sans façon et que vous pourriez bien me donner l’étrenne de votre RATISSEUR [1] au lieu de la porter à un vieux BONNE homme de pair de France que cela doit flatter médiocrement, à cause de la comparaison que l’on peut faire de leurs vieux groins GLABRES et GRIFFAGNEUX [2] avec votre jeune museau brun. Une autre foisa vous aurez la bonté de garder votre coquetterie pour moi toute seule et de garder pour la Chambre et autres lieux vos airs de sanglier domestique.

Juliette

MVH, α 7925
Transcription de Nicole Savy

a) « autrefois ».

Notes

[1Juliette désigne-t-elle ainsi le barbier ou le rasoir de Victor Hugo ?

[2Elle est très inventive en fait de néologismes, en particulier sur des dérivés de griffe.

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