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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juin 1847

4 juin [1847], vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour mon cher adoré, bonjour mon doux, mon suprême bien-aimé. Je pense à toi, je t’aime, je te désire, je t’adore, je voudrais être à tantôt pour être plus près de te voir. En attendant, il faut que je vive au milieu des fatras, des araignées, des menuisiers et des maçons [1], ce qui m’est particulièrement odieux. Depuis six heures du matin, je suis levée, occupée à déménager ma chambre et à garantir tous mes pauvres bric-à-braca de la dévastation. Je ne sais pas si c’est à cela que je dois attribuer mon mal de tête mais je suis comme une folle. Peut-être quand j’aurai déjeuné et que je me serai secouée un peu, qu’il n’y paraîtra plus mais pour le moment je suis bien souffrante. Ce rhume me fatigue et m’abrutit au-delà de l’habitude. Jusqu’à présent je n’y vois pas d’amélioration, AU CONTRAIRE. Décidément je crois qu’il me faudrait prendre une infusion de grande route, un julep [2] de malle-poste [3] et des impressions de voyage en émollients. Sans cela je ne me guérirai pas. Je suis même très capable de devenir incurable. Maintenant cela ne me regarde plus et si cela n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et d’un barbare homme, je serai bientôt hors de danger.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 122-123
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « bric-à-bracs ».


4 juin [1847], vendredi matin, 11 h.

Je suis dans la position d’une femme qui ne peut rien faire et qui ne peut pas s’en aller. Il faut absolument que je reste chez moi toute la journée, trop heureuse si ce soir j’ai un endroit pour REPOSER MA TÊTE. Je viens d’envoyer chez Jourdain afin qu’il enlève les tapis en même temps mais surtout pour qu’il rehausse la tapisserie de la fenêtre et le bâton des rideaux, parce que la fenêtre se trouve plus haute et qu’on ne peut ni l’ouvrir ni la fermer maintenant.
Je t’écris toutes ces choses, mon pauvre bien-aimé, comme si elles pouvaient t’intéresser quand tu liras ce gribouillis. Mais j’ai la tête si fatiguée que mon cerveau est en décombres comme mon logis et que je ne trouve plus rien à te dire qui ne soit imprégné de tout cet affreux gâchis. J’ai le chagrin de ne pouvoir pas aller te chercher à la Chambre aujourd’hui. C’est absolument impossible avec tout ce que j’ai à faire et à faire faire. Pourvu encore qu’on puisse tout terminer aujourd’hui. Plains-moi, mon adoré, et aime-moi car je suis bien malheureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 124-125
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1« Il y a des maçons qui travaillent au rez-de-chaussée du n° 12 de la rue Sainte-Anastase » (Victor Hugo, Journal de ce que j’apprends chaque jour, 5 juin 1847).

[2Julep : potion.

[3Voiture hippomobile destinée à l’origine au transport des dépêches et du courrier en général, apparue en France vers 1800.

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