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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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25 décembre [1838], mardi soir, 5 h. ¼ du soir

Je t’écris tard, mon cher bijou, parce que depuis tantôt c’est-à-dire ce matin 11 h. ½, j’ai eu Mme Guérard à déjeuner et à me raconter ses infortunes causées par l’imbécillité de son mari, ensuite j’ai eu ton bijoutier. Je n’ai pas pris les deux croix parce que depuis hier au soir elles avaient augmentéa de 5 F. Ainsi au lieu de 15 F. c’était 20 F. Je n’ai pas cru devoir prendre sur moi la responsabilité d’une enflure aussi grosse pour une si petite chose. Je lui ai dit qu’on passerait chez lui ce soir ou qu’il eût à revenir demain à la même heure. Ensuite j’ai eu mon blanchisseur qui n’étant pas venu hier est venu aujourd’hui. Tout cela m’a pris non pas mes pensées qui ne te quittent jamais mais tout mon temps. J’ai reçu une lettre fort triste de cette pauvre Mme Pierceau. Son petit enfant est mort cette nuit et son autre est très malade. Pauvre femme, je la plains de toute mon âme car elle est vraiment bien malheureuse. Je t’ai à peu près rendu compte de ma journée, mon Toto, maintenant, il me reste à te rendre compte de mon cœur qui est plus que jamais plein de toi. Plus je t’aime et plus je t’aime. J’aurais le cœur aussi grand que la terre et le ciel que mon amour le déborderait encore. Je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’espère mon Toto que puisque tu n’es pas venu de la journée, tu feras en sorte de me dédommager de cette journée en soupant avec moi ce soir, afin que comme TITUS je n’aie pas perdu ma journée à vous aimer toute SEULE DEMENS QUI NIMBOS ET NON IMITABILE FULMEN AEREb ET CORNIPEDUM ETC. ETC. ETC [1].
J’espère que vous ne pouvez pas refuserc de souper avec une femme aussi ferrue sur le latin et qui vous aime de toute son âme. En attendant je vous désire de toutes mes forces et je commence à trouver la journée bien longue. Que faites-vous donc mon petit homme que vous ne pensez pas à venir ? Et à qui pensez-vous, que vous ne sentez pas le besoin de voir et d’embrasser votre vieille Juju ?

BnF, Mss, NAF 16336, f. 272-273
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « elle avait augmenté ».
b) « ere ».
c) « refusé ».

Notes

[1Virgile, L’Énéide, VI : « Insensé qui, du ciel prétendu souverain, /Par le bruit de son char et de son pont d’airain, /Du tonnerre imitait le bruit inimitable ! » (traduction de l’abbé Delille).

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