Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1838 > Octobre > 15

15 octobre [1838], lundi midi

J’ai dans l’idée, mon ami, que tu es allé chercher ton monde aujourd’hui à la campagne. Si je me trompe, tant mieux pour moi car il est certain que le jour où on reviendra, la saison de notre bonheur sera clôturée. Tu penses bien, mon cher bien-aimé, qu’avec cette idée-là dans l’esprit je ne suis pas très gaie ce matin. Aussi je serai bien heureuse si tu pouvais venir à présent me surprendre encore. Ce serait d’autant plus ravissant que je n’y compte pas du tout. Je suis moins souffrante qu’hier, mais plus triste. Je n’ai plus mal à la tête, mais j’ai mal à l’âme, ce qui est bien plus douloureux. Enfin mon mal physiquea s’est résumé aujourd’hui en chagrin, il y a progrès comme tu vois.
Quel vilain temps, mon Dieu, il faudrait être deux fois heureux pour s’en apercevoir sous ce ciel-là. Aussi quand on ne l’est pas du tout on l’est dix millions de fois moins. Ce que je dis là ressemble beaucoup à l’opinion de l’homme qui n’aime pas les épinards. Cependant je me comprends et je me trouve très sensée et surtout très à plaindre de ne pas te voir ce matin.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 47-48
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

a) « phisique ».


15 octobre [1838], lundi soir, 8 h.

Tu m’as rendue bien heureuse, mon adoré, en venant déjeuner tantôt. Je te croyais à la campagne et j’étais triste au fond de l’âme, aussi j’ai été bien heureuse quand je t’ai vu apparaître dans mon taudis. Mme Kraft et sa sœur sont venues tantôt pour te demander un service au nom de M. Pasquier qui voulait m’écrire ou t’écrire dans le cas où je l’aurais jugé convenable. J’ai jugé qu’il valait mieux que je fisse la commission naïvement d’autant plus que je ne crois pas que tu puisses grand chose dans cette affaire. Voici ce que c’est : de demander à Anténor Joly la place de médecin du Théâtre Ventadour [1] si elle est encore vacante, ce qui est peu probable, pour un M. [Souquet  ?] médecin du susdit M. Pasquier, qui paraît tenir beaucoup à lui faire avoir cette place s’il y a moyen. C’est donc à toi qu’il s’adresse directement par mon [groin  ?] pour te prier de protéger son protégé auprès de Joly. Maintenant que j’ai fait la commission du bonhomme il faut que je fasse mes affaires qui sont de t’adorer depuis un bout de l’année jusqu’à l’autre et du meilleur de mon cœur, pauvre bien-aimé adoré, et tu le mérites bien. Où es-tu, que fais-tu, à qui penses-tu et qui aimes-tu ? Voilà ce que je voudrais savoir, ainsi que l’heure à laquelle je te verrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 49-50
Transcription d’Élise Capéran assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La salle Ventadour est l’ancien nom du Théâtre de la Renaissance.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne