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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 février [1839], jeudi après-midi, 2 h. ¼

Bonjour, mon cher bien-aimé, comment vas-tu ? Maintenant, mon bien-aimé, que la nuit est passée et que j’ai l’espoir que tu viendras cette nuit, j’aime mieux que tu ne sois pas venu car j’ai passé une nuit atroce sans fermer l’œil et en vomissant toute la matinée. Enfin j’ai reposé depuis pendant quelques heures, ce qui a achevé de me guérir mais je n’ai pas figure humaine. Je suis levée pour tâcher de me secouer un peu. Et puis, je t’aime et si tu viens, je me sens CAPABLE DE TOUT. Vos petits dessins sont très jolis quoiqu’inférieursa aux miens mais c’est égal : les vôtres ont leur mérite. Résisieux [1] est déjà chez moi se roulant, chantant, gazouillant et mêlant à ses cabrioles et à ses jabotteries Mr Doi, Mr Doi et puis Mr Doi. Ah ! Mais c’est pas Mr Doi. Elle m’a fait don, pour VOUS MONSIEUR, d’un bouquet de violettes, j’espère que c’est assez transparent. Et vous paierez pour elle votre trahison à tous les deux. Ce ne sera que très juste, n’est-ce pas ? Et vous n’avez rien à répondre, vilain, pour vous justifier.
Mon Dieu, vous êtes tout justifié, si on regarde ma figure, car j’ai l’air d’avoir soixante ans et on ne me prendrait pas avec des pincettes mais moi qui sais que DANS MON ÂME JE SUIS BELLE je ne vous trouve pas excusable et je vous en veux de toutes mes forces en vous aimant de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 183-184
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « inférieur ».


21 février [1839], jeudi soir, 20 h. ½

J’ai trouvé en arrivant Mme Triger. C’est ce qui t’explique, mon bien-aimé, pourquoi je t’écris si tard. Du reste on était en train de dîner mais j’ai envoyé chercher des comestibles et tout s’esta très bien passé. Cette promenade ce soir m’a fait beaucoup de bien, mais aussi c’est que tu étais bien bon et bien ravissant. Mais je ne perds pas de vue mon cher petit portrait que je baise déjà en espoir comme si je l’avais là. N’est-ce pas que j’ai joliment bien arrangé ma pendule ? N’est-ce pas que je suis très industrieuse ? N’est-ce pas que j’ai raison de bien me vanter ? Tiens il faut bien que je fasse mon éloge, moi, puisque personne ne s’aperçoitb de mon MÉRITE. Je vous aime, entendez-vous ? Où êtes-vous dans ce moment, à qui pensez-vous et qui aimez-vous ? Je viens de rentrer dans NOTRE DAVID, il paraît qu’il a fait son effet habituel (on a ric). J’ai expliquéd à Mme Pierceau la fameuse leçon de mathématiquese. Elle a parfaitement compris aussi bien que moi. PHAME. Tu m’en redonneras encore une ce soir, après quoi je connaîtrai la distance de la Terre à la lune et le diamètre de la Terre à un pouce prèsf. Voilà pour la science. Pour le cœur, je vous aime [et  ?] je vous désire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16337, f. 185-186
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « c’est ».
b) « apperçoit ».
c) « rit ».
d) « expliquée ».
e) « mathématique ».
f) « prêt ».

Notes

[1Résisieux, fille des Besancenot.

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