Guernesey, 6 avril [18]73, dimanche soir, 6 h. ¼
Je t’adore, je te souris, je te bénis, je t’aime, je te glorifie et je te divinise dans mon âme ; tu es pour moi ce qu’il y a de plus grand, de plus doux, de meilleur et de plus sublime. Je te dis tout cela comme cela me vient ; j’ai le cœur si plein de toi que je ne saurais y trouver autre chose.
Je ne t’ai pas écrit ce matin parce que j’avais quelques petits rabobinages de toilette à faire qui m’ont tenue beaucoup plus de temps que je ne pensais. Je tâche de rattrapera ce temps perdu avant que tu reviennes mais j’ai si froid aux doigts que mes pattes de mouche reculent au lieu d’avancer. Heureusement qu’elles ont déjà fait un peu plus de la moitié du chemin de mon cœur au tien et qu’un bon baiser de ta bouche à la mienne suffirait de reste maintenant pour combler la distance qu’il reste encore à parcourir pour atteindre le bout de ma restitus. La promenade de tantôt m’a mise en appétit d’une seconde ce soir ; aussi, à moins qu’il ne continue de geler à pierre fendre, je me promets une forte chapelle dès que nous aurons dînéb ; tant pis pour le bonhomme Marquand ; d’ailleurs il peut venir au devant [de] nous s’il le veut. Je finis mon gribouillis comme je l’ai commencé : je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 93
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette
a) « rattrapper ».
b) « dîner ».