Guernesey, 18 janvier 1856, vendredi après-midi, 2 h. ½
Quoique je n’en sois pas convenuea avec toi hier, mon cher petit homme, j’irai tantôt prendre un bain. Je suis un peu agitée depuis quelques jours. J’espère qu’un bain me calmera. Je serai revenue vers les 5 h. Du reste je laisserai la clef du salon à Mlle Boutillier. Tu pourras, tout en baignant tes chers yeux adorés, lire ce gribouillis et voir que je te prie de venir au devant de moi dans le cas où tu me devancerais au rendez-vous. J’ai eu la visite de Mlle Allix tantôt ; elle est même restée un peu de temps à la maison. Nous avons taillé une bavette semib jersiaise, toutc cela dans autre but de faire fonctionner nos platines respectives [1] et de les empêcher de se rouiller. Voilà, mon cher petit homme, quel a été l’emploi de notre tête à tête et le résultat de notre parlage. À propos j’ai été excessivement FLETTÉE [2] hier au soir de votre rencontre avec le citoyen de Kesler. Grâce à lui, et à ma bouteille de vin, je vous ai vu presque une heure. Vous voyez donc que j’ai raison quand je m’ingénie à vous trouver des camarades d’ennui quand vous venez chez moi. Aussi vous pensez bien que je ne m’en tiendrai pas à ce médiocre racolement [3] et que je vais faire une battue sérieuse parmi les proscrits et les PROSCRITES pour vous trouver des compagnons et des compagnes du DEVOIR. En attendant je vous adore à moi toute seule et sans avoir besoin d’aide depuis la tête jusqu’aux pieds.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16377, f. 20
Transcription de Chantal Brière
a) « convenu ».
b) « semie ».
c) « tous ».