Paris, 16 septembre [18]73, mardi matin, 6 h. ½
Car que faire dans un lit à moins que l’on ne dorme [1] ? C’est pourquoi, ne dormant pas, je me lève et je t’envoie mon bonjour le plus tendre à toi qui dors comme un bon petit noir. Le temps s’est fait beau ce matin en l’honneur de la « Libération du Territoire ». Je voudrais déjà la tenir de toi en attendant que la France la tienne du courage et du patriotisme de ses soldats. Mais j’y pense, n’est-ce pas aujourd’hui que Pelleport doit t’apporter ce chef-d’œuvre imprimé et déjeuner avec toi ? S’il en est ainsi il faudra que le molitor Mariette se remue un peu pour arriver à nous faire cuire un bifsteack avant douze heures, lisez midi à quatorze heures, et sans jeu si c’est possible. Cela est d’autant plus nécessaire qu’il est juste de laisser la salle à manger libre avant cette heure-là. Dans tous les cas tu feras bien d’amadouer la dame avec la « Libération du Territoire » accentuée d’un fort autographe galantin et douceâtre qui atténue un peu ton odeur pétrolarde. Ce soir autre guitare… N’anticipons pas, comme dit le citoyen Ménélas [2], chaque jour amène la peine et le plaisir… quelquefois. Nous verrons bien dans quelle catégoriea nous devrons mettre tes trois américains dont deux américaines ; d’ici là, je ne m’occupe qu’à t’aimer de toutes mes forces et de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16394, f. 270
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette
a) « cathégorie ».