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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 6 janvier 1854, vendredi soir, 4 h.

J’aurais trop à faire, mon adoré bien-aimé, s’il me fallait te restituer toutes les tendresses, tous les baisers et toutes les caresses que je te dois depuis trois jours. L’éternité n’y suffirait pas. Aussi, j’en prends bravement mon parti et je te donne en quelques coups de plume tous les battements de mon cœur, toutes les respirations de mon âme et toutes les admirations de ma pensée.
De ton côté, mon généreux homme, fais-moi l’aumône d’un peu d’amour et je ne te tiendrai pas quitte du RESTE. Que fais-tu en ce moment, mon cher petit Toto, ou plutôt que ne fais-tu pas ? Tu te reposes de ton assiduité sublime dans la fatigue des importuns et des curieux. Je te plains, mon pauvre génie de somme, autant que j’admire ta patience et ta bonté inépuisables. Et puis je t’aime, je t’aime, je t’aime, depuis le premier échelon des âmes jusqu’au dernier et plus haut encore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 11-12
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière


Jersey, 6 janvier 1854, vendredi soir, 5 h. ½

En veux-tu, en voilà des restitus, je t’en avais comblé, je t’en veux accabler, telle est ma générosité. Ça vous apprendra à me laisser seule pour courir la guilledouse [1] jersiaise, sous prétexte de travail et de poésie. Avec cela que c’est prudent et que le temps est bien propice aux études astronomiques et bucoliques. Prenez-garde de trébucher sur un filou en courant après la grande ourse et de tomber dans quelque effroyable jerserie en sifflant la cocotte [2] sur la montagne. Ah ! Vous voilà. Ça n’est pas malheureux.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 13-14
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Chantal Brière

Notes

[1Jeu de mots sur « courir le guilledou ».

[2Expression forgée sur « siffler la linotte » : attendre quelqu’un longtemps et vainement dans la rue, en l’occurrence une femme.

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