Guernesey, 12 Décembre 1860, mercredi soir, 7 h.
J’ai beau faire force de voile et de rame le matin, mon cher bien-aimé, je ne peux pas parvenir à te gribouiller ma restitus. Cela tient aux jours si courts que nous avons et surtout à ce que tous mes ustensiles, papier, plume, encre sont ici pendant que je suis là-haut. Mais tout cela ne peut pas durer encore longtemps, heureusement, les jours remonteront et ma restitus aussi. En attendant, il faut que je tâche de prendre ma pauvre chère restitus en patience ; pour cela je n’ai qu’un moyen, mais il est sûr, c’est de t’aimer jour et nuit d’arrache-cœur et à tire-d’âme.
Pauvre cher bien-aimé, je ne sais pas si tu t’amuseras beaucoup au concert [1] de Miss Allix mais je ne t’envie pas quoique je regrette de ne pouvoir pas être avec toi partout où tu es. Il me semble, le bonheur d’être avec toi excepté, que cela ne doit pas être bien amusant, d’autant moins amusant qu’il est à craindre que la pauvre miss ne fasse pas même ses frais. Mais aussi quelle idée de donner son concert à elle, si près des deux derniers dont elle était au profit des autres. Après cela peut-être serez-vous tous agréablement surpris en voyant salle comble ce soir. Je le désire plus que je n’ose l’espérer et je t’attends de toutes mes forces et avec toutes mes tendresses.
BnF, Mss, NAF 16381, f. 320
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette