7 mars 1877

Paris, 7 mars [18]77, mardi soir, 3 h.

Les mille taquineries de ma santé en ce moment me désheurent beaucoup, mon cher petit homme, mais il ne faut pas t’en inquiéter car tant que je serai sûre que tu m’aimes je me cramponnerai à la vie et je ne la lâcherai pas. Donc pas d’inquiétude pour moi de ce côté-là. Bon ! voici Mariette avec tous ces bordereaux de contributions acquittées. Le tien se monte à 287 F. 60, celui de M^me Charles à 287 F. 60, total 574 F. 20. Pour lesquels tu as donné 600 F. – reste 25 F. 80. Je profite de ce gribouillage pour essuyer les plumes. Celle-ci me paraît assez bonne. Voyons l’autre : meilleure encore. La troisième, la troisième, la troisième dit qu’il faut qu’on lui affile le bec. C’est ce que je vais faire séance tenante. Hum ! mon perfectionnement me paraît quelconque. C’est égal, je m’y tiens^a. Au tour de celle-ci : fichtre, quelle plume ! Le bon Dieu lui-même n’en a pas de pareille. Je la réserve pour les grandes occasions. Je t’aime. C’est à peine suffisant. Je t’adore. Recommencez-moi cela. Je t’adore. Encore et mieux que cela. Pas trop mal pour une plume d’oie. Attention, voilà le mot des mots, celui qui contient tout, le bien, le mal, la joie, la douleur, le bonheur, le mot de la fin des fins : amour !

BnF, Mss, NAF 16398, f. 69
Transcription de Guy Rosa

a) Des modifications de la graphie, à vrai dire peu perceptibles, enregistrent ces opérations.