21 juin 1857

Guernesey, [21  ?]^a juin 1857, dimanche soir, 7 h. ½

Mon Victor, mon bien-aimé, ma vie, mon âme, je voudrais trouver des mots inconnus et immaculés pour te dire mon amour. Je voudrais pouvoir fondre mon cœur pour ajouter des rayons de bonheur à tes rayons de gloire et je donnerais ma part de paradis et mon éternité pour te payer une heure de joie dans cette vie. Jamais tu ne sauras combien je t’aime et combien tu es vraiment la chair de ma chair, les os de mes os, et l’âme de mon âme. Tout ce que le temps retire à ma jeunesse, Dieu l’ajoute à mon amour et je sens peu à peu la femme [extérieure  ?] se transformer intérieurement en moi et se transfigurer en un ange d’adoration qui t’admire et qui te bénit^b à tous les instants de sa vie. Je te dis mal tout cela mais je t’aime vraiment dans les entrailles et puis le diamant ne peut pas être son propre lapidaire. Mon cœur t’aime trop pour avoir de l’esprit. Mon Victor adoré, je ne veux pas que tu sois triste et je ne peux pas supporter la pensée que tu puisses^c être malheureux par moi ni par personne. Je donnerais tout mon [ illis.] pour t’épargner un chagrin. Mon Victor, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 112
Transcription de Frédéric Gillmann assisté de Florence Naugrette

a) « samedi ». On hésite à lire « 24 » ou « 21 ». Le 21 était un dimanche. La lettre étant écrite le soir (ce qui est rare), on peut supposer qu’elle a reçu dans la journée une marque de consolation pour les souffrances du deuil exprimées dans la lettre précédente, consolation dont elle remercie ici Hugo.
b) « bénis ».
c) « puisse ».