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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 23 décembre 1854, samedi soir, 5 h.

Cher adoré, je résiste le plus que je peux à l’influence triste de ton absence et à celle de ce temps pluvieux, rhumatismeux et brouillardeux qui me pénètre jusqu’à l’âme. Je ne veux pas mêler ma nébuloserie morale et physiquea à tes flamboyantes inspirations Je veux au contraire ne te montrer que le côté de mon amour étoilé, quant à celui qui est dans l’ombre, je le garde pour moi jusqu’au jour où il pourra prendre sa place radieuse dans ta vie.
Je ne sais pas, mon pauvre adoré, comment tu peux fournir à tant de choses si charmantes et si terribles, si rayonnantes et si sombres, si humaines et si sublimes sans faire éclater ta tête et ton cœur, ces deux creusets de ton génie. Quant à moi je suis souvent saisie d’épouvante pour toi au milieu de mon admiration quand je pense aux choses que tu fais sans te reposer jamais. Pauvre, pauvre, grand adoré, où prends-tu tout ce courage, toute cette force, toute cette abnégation et tout ce dévouement presque divins qui ne se lassent et ne se rebutent jamais ni des choses ni des hommes ? Est-ce que le génie seul peut donner tout cela ? Il y a des moments où je crois que tu es un peu Dieu et je t’adore sans respect de ton incognito.
Justement te voilà en chair et en os, ce qui me confirme que plus dans ma dévotieuse illusion. À preuve que je vais baiser vos sacrés pieds.

Juju

BnF, Mss, NAF 16375, f. 436-437
Transcription de Chantal Brière

a) « phisique ».

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