Paris, 17 mars 1880, mercredi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je ne sais rien de ta nuit, mais si j’en juge par la mienne, tu as dû la passer très bonne ainsi que tu me l’avais promis, et que je l’espère. Je viens de m’assurer qu’il n’y a pas de Sénat aujourd’hui, mais je te fais souvenir que tu t’es engagé à aller voir tantôt après ton déjeuner le tableau de Benjamin Constant, lequel y compte, et en est ravi et reconnaissant d’avance. Emmanuel Arago et son fils doivent s’y trouver pour t’en faire les honneurs en famille [1]. Du reste, il fait un temps exquis qui ne te permet aucune échappatoire puisqu’on sait que tu sors tous les jours pendant deux heures, même quand le temps est mauvais. Donc, mon cher petit paresseux, aucun moyen de te dispenser honnêtement de ta gracieuse promesse à ce brave et charmant Benjamin Constant. Quant à moi, je m’en fais une fête, et je serai prête à te suivre dès que tu le voudras. Je me dépêche tant que je peux et je t’aime encore plus. Attrape-ça.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 77
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin