Paris, 28 juin [1880], lundi matin, 7 h.
Et je vais contenter mon cœur avant ma faim… Et mes tracasseries de ménage, c’est bien le moins, surtout après une nuit d’agitation. Et sans prétexte aucun que celui-ci : je t’aime. Comment as-tu passé la nuit ? Je n’ai pas voulu te le demander tout à l’heure pour ne pas te réveiller tout à fait mais j’espère qu’elle aura été très bonne. Je vais veiller à ce que Virginie te prépare tes affaires pour onze heures afin que tu arrives en temps au Sénat. À ce propos je crains que tu ne te fatigues dans cette question de l’Amnistie [1] que tu as déjà si superbement traitée. Le proverbe dit : qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre et Dieu sait qu’au Sénat ils sont presque tous atteints de cette surdité-là. Je sais bien que tu dois les mettre encore une fois en demeure devant le monde entier d’être ou de n’être pas les plus impitoyables et les plus impolitiques ganaches qui soient. Hélas ! Je crains que la preuve déjà faitea tant de fois ne se renouvelle une fois de plus aujourd’hui, demain et toujours. Quant à moi, je ne néglige aucune occasion, comme tu le vois, de me mêler de tout et surtout de t’adorer.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 175
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin
a) « faites ».