Paris, 21 juin [1880], lundi matin, 7 h.
Cher bien-aimé, sois béni dans tous ceux que tu aimes au ciel et sur la terre. Ce jour, qui est le plus grand de l’année, est aussi celui du plus grand deuil de ma vie et j’en éprouve une profonde tristesse chaque fois qu’il revient . Un jour, bientôt, certainement, ce souvenir douloureux deviendra pour moi le jour joyeux et radieux quand ma chère fille me sera rendue au ciel. En attendant je prends courage en t’aimant de toute mon âme, sois béni. Je te fais souvenir qu’il y a Sénat aujourd’hui à deux heures Séance Publique (sans bureaux). Je te signale aussi trois paragraphes de Pierre Véron sur toi à propos de ta Préface inédite datée de février 1880. « On ne saurait parler de la mission du poète avec une plus altière simplicité. On ne saurait parler de soi avec une plus majestueuse modestie. Oui, maître, la postérité, comme le présent, le monde, comme la France, estiment et estimerons Hugo, le Bon et le Sincère. Mais, en même temps, ils admireront Hugo le Grand ».
Voilà ce que toutes les consciences et ce que tous les cœurs disent en lisant tes admirables et sublimes chefs-d’œuvre. Et voilà ce que je contresigne depuis la première minute où je t’ai connu jusqu’à ce moment où je t’adore religieusement et saintement comme le plus divin des hommes.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 168
Transcription d’Emma Antraygues et Claire Josselin