Paris, 15 janvier 1880, jeudi matin, 5 h.
Cher bien-aimé, je te donne mon bonjour extra-matinal, car il fait encore nuit noire, excepté dans mon cœur qui rayonne d’amour, d’admiration, de vénération et d’adoration pour toi. Dans la pensée que tu iras au Sénat tantôt et dans l’impossibilité de dormir, j’avance ma restitus de quelques heures pour être bien sûre qu’elle sera à son poste [1] au moment où je t’accompagnerai. J’espère que, n’ayant pas les mêmes raisons que moi d’être réveillé si tôt, tu emploiesa ton temps à bien dormir et je te supplie de prolonger ton sommeil le plus avant dans la matinée que tu pourras.
J’ai été bien contente hier des bonnes nouvelles que le docteur Boucherot t’a donnéesb de Mariette dont il prévoit la guérison prochaine. [2] C’est un homme froid et réservé qui ne doit pas émettre légèrement les espérances qu’il t’a données ; c’est bien pour cela que je les accueille avec une heureuse confiance. Et à ce propos, mon grand bien-aimé, je te supplie de t’associer dans la mesure du possible de ton grand cœur au succès de la candidature de Broca au Sénat. Ce n’est pas seulement ta dette personnelle que tu acquitteras en le faisant [3], c’est aussi celle de tous ceux qui t’aiment et qui t’admirent, c’est celle de la France ; celle du monde entier civilisé, c’est la mienne, à moi qui t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 16
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « emploi ».
b) « donné ».