27 octobre [1846], mardi soir, 10 h.
Cher adoré bien-aimé, je suis heureuse que tu aies ce petit meublé puisqu’il te plaît et puisqu’il va avec ton autre Coromandel [1]. La chose qui m’a véritablement affligée aujourd’hui, c’est de m’être aperçue que j’avais fait, sinon une fausse dépense, au moins une dépense inopportune et qui ne me rend pas le service que j’en attendais. Après cela, ce n’est pas cette petite contrariété qui aurait pu me faire pleurer si je n’avais pas eu déjà les larmes en moi. Un vase plein d’eau ne se répand que parce qu’on le penche mais s’il n’y avait rien dedans, ce n’est pas l’action de le pencher qui l’emplirait et le ferait déborder. Je suis triste tout au fond de mon âme depuis quatre mois, j’ai un grand deuil dans le cœur et il y a des moments où ce chagrin contenu monte jusqu’à mes yeux qu’il remplit de larmes qui coulent malgré moi. Je te dis cela, mon Victor, afin que tu ne t’imputes pas à tort la pensée de l’avoir causé, ce chagrin. Du reste, je crois que ton idée est bonne et que la brèche sera moins choquante à l’œil quand la place blanche sera cachée par de la tenture de soie.
Eugénie doit venir demain au Temple avec moi en même temps poura acheter des linges à mannequin pour M. Vilain. Je te dirai, chemin faisant, que M. Vilain est venub les reprendre ce soir. Il est resté très peu de temps, juste celui de me faire ses compliments pour toi. C’est ce qui fait que je t’écris que maintenant parce que je n’ai pas eu une minute dans la journée à cause de tous les déménagements et que je voulais attendre qu’Eugénie fût partie pour être tout à toi. Quoi quec je dise et que je fasse, mon bien-aimé, n’oublie pas que tu es ma vie, mon amour et mon tout.
Juliette
Leeds, BC MS 19c Drouet/1846/02
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen
a) Les mots précédents se superposent maladroitement sous forme d’une rature de substitution par surcharge.
b) « venue ».
c) « Quoique ».