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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juillet [1849], jeudi matin, 7 h.

Bonjour, mon très aimé bien-aimé, bonjour mon tout adoré, bonjour, dormez. Profitez du seul moment où les affaires vous laissent tranquille pour bien vous reposer. Dormez, dormez, dormez. Je voudrais vous entourer de silence pour que vous reposiez plus longtemps et plus complètement. Hier, tu paraissais en proie à une préoccupation fâcheuse et ton beau front était tout rembruni. Je n’ai pas osé te demander ce qui te contrariait ou t’attristait parce que j’ai craint que tu ne confondes ma sollicitude avec la banale curiosité ; mais au fond cela me tourmentait car je ne peux pas supporter la pensée de te savoir triste. D’un autre côté, la fatigue opiniâtre et soutenue suffit du reste pour donner l’air abattu et malheureux et tu étais bien fatigué. À ta place, je donnerais une consigne sévère à mes domestiques et j’évincerais de la sorte beaucoup d’importuns et beaucoup de choses qui te harcèlent. Je me réserverais pour les affaires tout à fait indispensables et de premier ordre. Il est vrai que celles-là sont assez nombreuses pour prendre tout ton temps, toutes les formes et toute ta vie. Cependant, il faut limiter ses devoirs et ne pas se tuer par un travail et une application au-dessus des forces humaines. Cher adoré, je te parle là comme un livre. C’est dommage que je ne puisse pas te forcer à suivre mes bons conseils. Si j’étais ta maîtresse, hélas ! je saurais bien te faire obéir et je t’obligerais à ne pas te sacrifier jour et nuit pour des questions d’humanité dont on ne te sait aucun gré. Je te forcerais malgré toi à être égoïste et à faire mon bonheur particulier.

Juliette

MVHP, Ms a8250
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux


19 juillet [1849], jeudi matin, 11 h.

Je voulais t’écrire hier pour te faire penser à demander à ton Toto s’il avait écrit à Vilain et puis je l’ai oublié. Ce soir, il ne sera plus temps, probablement, car encore faut-il que ce garçon soit avertia au moins deux ou trois jours d’avance. Enfin, j’ai fait ce que j’ai pu pour que ce brave jeune homme profite de l’honneur que tu voulais bien lui faire. Ce ne sera pas de ma faute si cela n’a pas réussib. Mon petit homme bien-aimé, j’ai grand peur que tu ne viennes pas d’ici à 1 h.¾de l’après-midi, ce qui reculerait pour moi le bonheur de te voir par-delà 3 h. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas de confiance dans ta promesse pour ce matin. Il est vrai que je suis trop payée pour cela et que l’expérience seule suffit pour m’ôter toute confiance. Cependant, je serai prête à l’heure convenue. Je ne m’exposerai pas à justifier par moi-même le guignon habituel qui me poursuit sous toutes les formes. À midi ½, je serai sous les armes et je n’aurai aucune humeur si tu ne viens pas parce que je croirai que c’est que tu ne l’auras pas pu. Tu vois mon petit homme que je fais des grands pas dans le chemin Chaumontel et que ce n’est pas ma faute si je n’arrive pas aussi vite que tu le voudrais à l’hôtel MOREL. Cela tient à ce que mes JAMBES ne sont pas aussi fringantesc que celles de certaine péronnelle pour laquelle vous avez un coup de soleil qui vous fera loucher si vous n’y prenez garde. Quant à moi, je fais tout ce que je peux pour vous être, sinon agréable, ce qui n’est plus possible, moins insupportable.

Juliette

MVHP, Ms a8251
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « avertit ».
b) « réussit ».
c) « fringuantes ».

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