9 février [1838], vendredi après-midi, 1 h.
Bonjour cher bien-aimé, comment va ton enrouement ? Comment va ta pauvre petite gorge ? J’ai bien pensé à toi toute la nuit. Je ne me suis encore endormie qu’à plus de cinq heures du matin. J’ai eu beaucoup de coliques et de maux [de] reins. Tout cela s’esta résumé en quelque chose de très ordinaire et de très ennuyeuxb et qui ne me durera pas moins de huit jours.
Je t’adore, mon Victor bien-aimé, et je te plains de toute la tendresse de mon amour ; si je pouvais me mettre à ta place, je serais la plus heureuse des femmes car alors je n’aurais plus d’inquiétudes sur ta chère santé et tu m’aimerais autant que je t’aime puisque tu n’aurais plus que cela à faire. Mon adoré, mon Toto chéri, mon Victor bien aimé, pourquoi tous ces souhaits ne peuvent-ils se réaliser ? À quoi sert-il que je t’aime de tous les amours à la fois si je ne peux t’aider à rien, pas même en ce qui me regarde ? J’ai pourtant autant de courage que d’amour, autant de dévouement que de reconnaissance, mais cela ne suffit pas et en attendant tu usesc ta santé, ta vie et peut-être, mon Dieu, ton amour. Je suis bien triste, va, mon cher adoré. Je t’aime trop pour qu’il en soit autrement. Je voudrais baiser tes pieds, tes chers petits pieds. Je voudrais prendre toutes tes fatigues et tout ton mal dans un baiser, dussé-jed y laisser mon âme toute entière. Je t’aime tant, ma vie, mon bonheur, mon tout.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16333, f. 61-62
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain
a) « c’est ».
b) « ennuieux ».
c) « use ».
d) « dussai-je ».
e) « toute ».