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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 avril [1845], mercredi, midi

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon bien-aimé adoré, bonjour, comment vas-tu, comment m’aimes-tu ? Moi, je suis une pauvre patraque mais une patraque qui t’adore. Tu as bien fait de revenir cette nuit, mon bien-aimé. Je suis sûre que cela m’a fait du bien. Quand tu es arrivé, j’étais dans une espèce de crise qui se serait probablement prolongée toute la nuit si je n’avais pas eu le bonheur de te voir.
Mon Dieu que je voudrais cette affaire terminée. Je voudrais que tu fussesa d’une manière ou d’une autre hors de ce tangage de [l’yle  ?] à [l’yle  ?]
Je voudrais [dessinb], puisque vous y tenez, que vous fussiez coiffé du sublime tricorne enchanté [1] mêlé d’une plume blanche et de la faculté inséparable de faire le mouchoir et des pieds de nez à ceux des sergents de ville et autre juges d’instruction. Je le voudrais pour toutes sortes de raisons : la première, parce que vous la désirez, la seconde, parce que j’espère que vous auriez un peu plus de temps à me donner la chose une fois finie.
En attendant, tu attends, j’attends, ils attendent (je ne sais pas quoi, par exemple), et nous mettons notre patience à de rudes épreuves. Baise-moi, mon Victor adoré, pense à moi et aime-moi, sinon pour la viande, pour la justice [2], car je fais plus que t’aimer, moi, je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 33-34
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu fusse ».
b) Juliette a dessiné Victor Hugo :

© Bibliothèque Nationale de France

9 avril [1845], mercredi après-midi, 4 h. ¾

Qu’est-ce que vous faites donc, mon bien-aimé, que vous ne venez pas même pour baigner vos pauvres beaux yeux ? Si j’étais derrière vous, vous le sentiriez mieux que le point du jour, car je vous pousserais dans la direction de la Sainte-Anastase [3] par les deux épaules. Vous croyez peut-être que je m’amuse en vous attendant, mais vous vous trompez furieusement. D’abord, j’attends la mère Triger, ce qui n’est pas très drôle. Ensuite je me meurs de froid, ce qui n’est pas non plus très récréatif. Depuis ce matin je vais et je viens dans ma maison sans m’apercevoir du froid, mais depuis que je suis arrêtée, je suis transie et morfondue. J’espérais que tu viendrais dans la journée, mon Toto, parce que je sais que d’habitude le mauvais temps ne te retient pas chez toi, mais je vois que j’ai eu tort de compter sur toi dans tous les cas. Peut-être aussi as-tu été pris par toutes sortes d’affaires ? Cela est plus que probable. Dans ce cas-là, je te pardonne, mon cher bien-aimé adoré et je n’ai aucune amertume contre toi. Non seulement je n’ai aucune amertume, mais je t’aime plus tendrement et plus passionnément que jamais. Je t’attends avec courage et avec résignation en te suppliant de venir le plus tôt que tu pourras et de faire bien attention à ta chère petite santé qui pourrait bien être entamée par la pluie, la grêle et le vent qui fait. Je baise tes adorables petites mains.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 35-36
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le Tricorne enchanté, « bastonnade en un acte et en vers » de Théophile Gautier (en collaboration avec Paul Siraudin), avait été créé le 7 avril 1845 au Théâtre des Variétés.

[2À élucider.

[3Juliette habite au 12, rue Sainte-Anastase.

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