Guernesey, 1er avril 1859, vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher adoré ; bonjour, mon ineffable bien-aimé ; bonjour avec toutes les tendresses de mon cœur et de mon âme. Comment as-tu passé la nuit, mon cher petit homme ? Si j’en juge d’après moi, tu as dû dormir comme un sabot et j’espère que tu auras profité de ce bon sommeil pour te débarrasser de ton mal de tête. Si le temps le permet tantôt et si tu le veux, nous irons un peua sur la montagne. Il y a bien longtemps que je ne l’ai vue, cette pauvre montagne, et je ne serais pas fâchée de renouvelerb connaissance avec elle.
Mais d’ici là, il faut que j’avance ma copire. Pour cela, il faut que je me dépêche de faire mes quinze millec tours pour n’être pas en retard avec moi-même, surtout un jour de MÉNAGE À FOND. Je me hâte de te donner mon cœur à tour de plume pour aller tout de suite déjeuner. Voilà bien des fois que Suzanne me crie les deux mots sacramentels : L’EAU BOUT ! Je vais en profiter pour me réchauffer car je suis raide de froid et peut-être même BLEUE comme l’était ce pauvre Fouyou de superbe et frileuse mémoire. Mon adoré, je te baise [tabac et tabac ?] mais je t’aime correctement de toute mon âme.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16380, f. 85
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette
a) « peux ».
b) « renouveller ».
c) « milles ».