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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 janvier [1844], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon bien aimé Toto. Comment vas-tu mon cher petit ? Penses-tu un peu à moi ? À la joie que j’aurais de te voir si tu venais bientôt ? Pauvre ange bien aimé je ne l’espère pas car je sais combien tu as à faire. Je ne me résigne que difficilement à cette dure nécessité mais contre la force il n’y a pas de résistance. Il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher bon gré, mal gré. Je te dirai, mon cher petit, pour te tranquilliser que M. Chose va mieux [1]. J’ai passé une très bonne nuit et mes mouvements se font avec moins de difficultés. C’est un mieux lent mais qui se soutient de jour en jour. Je crois que j’en serai quitte avant le temps prédit par notre grand Esculape [2]. J’en suis fâchée pour vous mais votre service auprès de mon auguste personne recommencera très très prochainement. Tenez-vous le pour dit et faites vos préparatifs en conséquence.
Je pense que tu vas à l’académie tantôt, est-ce que tu ne pourrais pas venir en passant m’embrasser une petite goutte ? Cela me ferait pourtant bien plaisir et m’empêcherait de trouver la journée aussi longue. Tu serais bien gentil de te détourner un peu de ton chemin pour me faire cette joie. Autrefois vous n’y auriez pas manqué. Mon Toto adoré je ne veux pas me laisser aller à comparer le passé avec le présent pour ne pas te tourmenter injustement dans le cas où je me tromperais. Je crois que tu m’aimes comme autrefois. J’ai besoin que tu m’aimes comme autrefois. J’en ai besoin non seulement pour mon bonheur mais j’en ai besoin pour vivre. Je baise tes chers petits pieds et je te demande pardon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 11-12
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette


4 janvier [1844], jeudi soir, 5 h. ¾

Que tu es adorablement bon, mon adoré, d’être venu me voir auparavant d’aller à ton académie. Je ne t’en remercie pas parce que ça ne serait pas assez mais j’ai été bien heureuse tout le temps que je t’ai vu et longtemps encore après puisque cela dure encore à présent. Je ne te promets pas pourtant qu’il y en aita pour longtemps car il me semble qu’il y a bientôt un an que je ne t’ai vu. Les minutes me semblent des mois et les heures des années tant elles se traînent lourdement sur ma vie quand tu n’es pas là.
Je vous ai regardé partir, mon bien-aimé, et vous ne vous êtes pas retourné. Peut-être est-ce le brouillard qui m’a empêchée de saisir votre regard au tournant de ma rue. Si cela est, je vous en demande très humblement pardon et je lèche la sacrée poussière de vos bottes.
Je n’ai toujours aucune nouvelle de Mmes Pierceau et Franque. Quant à cette dernière cela ne m’étonne pas et ne m’émeut pas, je la sais sans cœur et sans bienveillance pour tout le monde. Mais l’autre c’est différent et je n’aurais jamais cru que la maladie pût la changer à ce point. Je lui pardonne du reste, pauvre femme, et de grand cœur et je n’en parlerai plus désormais. Ma fillette a travaillé toute la journée. Dans ce moment-ci elle étudie son piano à force. Elle est toujours bien affectueuse et bien heureuse d’être auprès de moi. Certes la pauvre enfant c’est bien le bonheur pur et simple d’être auprès de nous car rien de drôle ne s’y mêle. Ça n’en est que mieux. Moi je vous adore comme toujours.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 13-14
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « est ».

Notes

[1Allusion codée à élucider.

[2Dieu romain de la médecine.

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