Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Décembre > 20

20 décembre [1837], mercredi soir, 5 h. ½

Mon cher bien-aimé, nous nous sommes fait bien du mal cette nuit. Nous sommes bien bêtes ou bien méchants et peut-être pire que cela, nous sommes fous. Quanta à moi je n’en peux plus. Je suis toute meurtrie et de quelque côté que je touche mon cœur il me fait un mal atroce. J’ai bien besoin de repos et d’amour pour panser toutes les plaies que ta férocité et ton absence ont faitesb à mon pauvre cœur.
Je t’aime mon Victor adoré, je t’aime, et dans mes plus grandes douleurs je ne le nie pas. Je t’aime de toute mon âme. J’espère que ma conduite et mon amour parviendront à te donner la confiance et l’estime que je mérite et que jamais tu ne seras fondé à me dire les vilaines paroles que tu m’as dites hier, non pas parce que je ne te les pardonnerais pas, mais parce que cela me tue et que j’ai besoin de vivre pour t’aimer. Dans ce moment-ci je te donne la plus grand preuve d’amour qui soit en mon pouvoir. Je t’écris une grande et grosse lettre quand je n’ai pas la force d’ouvrir les yeux et de tenir ma plume. Si je t’aimais moins je serais dans mon lit grognant et soupirant comme un pauvre âne rogneux [1] tandis qu’au contraire je suis là essayant de te sourire et te donnant toutes les caresses qui sont dans mon cœur et dans ma pensée. Soir pa. Si vous venez tout de suite ça me suuurprendra agréablement mais je ne le crois pas, vous n’êtes pas coutumier de ce fait le soir et on vous attend longtemps avant de vous voir cinq minutes, mais je ne veux pas réveiller le chat qui dort. Vous êtes très gentil, voime, voime et même très bon hu ! hu ! et très amoureux.
Soir pa. Je baise vos pieds sous la plante.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 190-191
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein
[Souchon, Massin]

a) « quand ».
b) « fait ».

Notes

[1Rogneux : qui a la rogne, c’est-à-dire la gale. L’expression « âne rogneux » se trouve chez La Fontaine (Le loup et les bergers).

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne